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    Mardi 19 Mars 2024, Yom Chelichi

294. Acheter et vendre pendant « ‘Hol Hamo’èd ».
Posté par sarah simha le 16/10/2006 à 14:00:57
Bonjour !
Pendant les jours de 'Hol Hamo’èd de Soukkote, ma fille de 17 ans a voulu aller acheter des vêtements dans un grand centre commercial à Jérusalem... Ma question est la suivante : puisqu'il est interdit de travailler pendant ‘Hol Hamo’èd, sauf cas prévus par le Halakha, tous ces magasins de vêtements devraient, en théorie, être fermés .... En s'y rendant et en achetant des vêtements chez eux, n'y a-t-il pas de problèmes du type "Lifné ‘Ivèr" (donner la possibilité à un autre juif de fauter) ou bien encore soutien a des ‘Avarianim (mécréants)... ? Cordialement

Réponse donnée par Rav Aharon Bieler le 12/12/2006 à 22:23:22
Le Choul’hane ‘Aroukh indique dans les lois sur ‘Hol Hamo’èd (1) : « Pendant les jours de ‘Hol Hamo’èd, certains travaux sont permis et d’autres sont interdits », le Rama précise que ces permissions sont « en fonction du besoin, tel qu’il semblait aux Sages approprié de le permettre ».

En résumé, certains travaux ont été autorisés dans cinq circonstances :
A. En cas de perte financière: si l’objet du travail va se perdre ou se détériorer s’il n’est pas réalisé pendant le « ‘Hol Hamo’èd ».
B. Si le travail est effectué pour les besoins de la fête, même si cela entre dans le cadre de travaux professionnels.
C. Le travail d’un ouvrier qui n’aurait pas d’autre moyen de subsistance
D. Si le travail est effectué pour les besoins du public
E. Tout travail qui est considéré comme un travail de profane (c’est-à-dire qui ne nécessite pas l’intervention d’un professionnel et que chaque personne a l’habitude de réaliser couramment).

L’origine de l’interdiction de réaliser l’un des trente-neuf travaux du Chabbat relève, selon l’avis de plusieurs décisionnaires (2), d’un interdit formel de la Tora. En effet, la Guémara (3) rapporte divers versets de la Tora à partir desquels plusieurs Sages déduisirent l’interdiction d’y réaliser des travaux.
Il apparaît donc que l’interdit en soi fut émis par la Tora, et que les Sages durent pour leur part déterminer quels travaux entraient dans le cadre de cet interdit, et lesquels restent permis.
Toutefois, les Tossefote (4) affirment, au nom de Rabbénou Tam et de Riva, que cet interdit n’est que d’ordre rabbinique. Telle est également l’opinion de plusieurs autres Richonim (5).

Parmi les interdictions émises, apparaît celle de ne pas faire de commerce, qui a pour but d’écarter l’homme de tout travail astreignant pendant les jours de fête (6).
Elle est rapportée par le Choul’hane ‘Aroukh en ces termes : « tout acte de commerce, même pour une quantité infime, est interdit, aussi bien à la vente qu’à l’achat ».
Cet interdit, qui s’applique donc tout autant au vendeur qu’à l’acheteur, est quant à lui incontestablement d’ordre rabbinique (en effet, même pendant le Chabbate et les jours de fête, celui-ci relève d’un décret rabbinique, a fortiori pour les jours de ‘Hol Hamo’èd) (7) et (8).

Par conséquent, lorsqu’un commerçant ouvre son magasin, même si cela est réalisé conformément aux conditions émises par la Halakha à ce sujet, et qu’il offre sciemment et en toute connaissance de cause, la possibilité à un autre juif de faire des achats réalisés quant à eux de manière interdite (car pas pour les besoins de la fête), le vendeur transgresse l’interdit de : « Tu ne placeras pas d’embûches devant un aveugle » (Lifné ‘Ivèr Lo Titèn Mikhchol), qui implique que l’on ne doive pas favoriser la transgression d’un interdit par une tierce personne.
Or dans notre cas également, le commerçant offre la possibilité à l’acheteur de transgresser un interdit, et de la sorte, il place une embûche spirituelle sous ses pieds.

Néanmoins, il n’est à aucun moment stipulé que le vendeur doive s’enquérir du statut de l’acheteur, à savoir si ce dernier réalise son achat d’une manière permise ou non (9).

Inversement, si un acheteur qui réalise ses achats dans le cadre d’une permission, mais dans le magasin d’un commerçant qui n’était pas autorisé à ouvrir son négoce (dans le cas où il tire de ses ventes un bénéfice évident, comme nous le verrons plus loin), il se retrouvera également confronté à l’interdit de « placer une embûche face à un aveugle », dans la mesure où il offre au vendeur la possibilité d’enfreindre l’interdit de commercer pendant ‘Hol Hamo’èd.


Précisons toutefois, que l’ouverture d’un magasin peut être justifié, entre autre, par la crainte d’une perte importante ou par le fait que le commerçant ait besoin de ces gains pour assurer les dépenses de la fête.
Si l’activité n’est pas uniquement limitée à un acte commercial, mais nécessite d’enfreindre les interdits de la Tora comme couper du tissu ou des peaux, cela restera interdit (voir Biour Halakha chap. 539 début de citation « Éno »).
Quoi qu’il en soit, l’ouverture du magasin dans ces conditions devra être conditionné par un signe particulier visible de l’extérieur montrant formellement que le magasin est ouvert dans le cadre d’une permission Halakhique, comme un rideau à moitié baissé ou une porte fermée à clef. (Choul’hane ‘Aroukh Ora’h ‘Haïm chap. 539 par. 10).

Les commerces de légumes et primeurs qui vont se perdre, peuvent ouvrir de façon normale et publique car il est de notoriété que c’est pour les besoins de la fête.
Il en est de même pour tout magasin d’alimentation au détail.

Ceux qui vendent entre autres des habits, chaussures ou des ustensiles qui ne s’abîment pas, on l’obligation d’ouvrir de façon discrète car il n’est pas évident que le produit vendu soit pour les besoin de la fête (Michna Béroura chap. 539 alinéa 33).

Il en ressort que le fait qu’un magasin soit ouvert pendant ‘Hol Hamo’èd n’est pas le signe systématique d’une entorse à la loi.

Rappelons par ailleurs, que les magasins ne sont autorisés à vendre que pour les besoins de la fête (Chaque cas doit de toutes les manières faire l’objet d’une question à un rabbin compétent).
C’est pourquoi si le vendeur sait pertinemment que l’acheteur n’achète pas pour les besoins de la fête, il sera interdit de lui vendre. Néanmoins, en l’absence de certitude il n’est pas nécessaire de le questionner (Piské Téchouvote chap. 539 par. 5).

Dans le même esprit il semble que si le vendeur a connaissance que l’acheteur ignore la Halakha (qu’il est interdit d’acheter à ‘Hol Hamo’èd quelque chose qui n’est pas pour le besoin de la fête), il a l’obligation de l’en informer. En dehors du fait que le vendeur enfreindrait, en cas de vente, l’interdiction de « Lifné ‘ivèr » (Choul’hane Chélomo tome 2 chap. 539 alinéa 1)

Précisons encore qu’il existe à cela une dérogation à la règle générale énoncée par le Choul’hane ‘Aroukh : « même les travaux permis à ‘Hol Hamo’èd, ne pourront être réalisés que pour soi même ou pour un autre gratuitement mais pas de façon rémunérée » (10).
Cette dérogation réside dans le principe de « Havla’a » (englober). Celui ci désigne les cas de figure dans lesquels la vente, ou le service en question impliquent certains frais intrinsèques.
Dans un tel cas, on considère que la somme versée au négociant vient en partie couvrir ses frais de fonctionnement.
C’est ainsi qu’il est permis de monter dans un taxi juif pendant ‘Hol Hamo’èd : dans la mesure où durant le trajet, certaines dépenses surviennent automatiquement, comme la combustion de l’essence par exemple. En effet, bien que l’activité en elle même soit autorisée puisque les déplacements sont considérés comme venant pour les besoins de la fête, le chauffeur de taxi ne devrait quant à lui pas être autorisé à travailler, étant donné qu’il le fait dans le but de réaliser des bénéfices patents.

On ne peut être impliqué dans ce cas par l’interdit de « ne pas placer d’embûches », étant donné que la somme versée « englobe » en partie les frais du déplacement (11).
Précisons toutefois que même si cette manière d’agir reste permise, il est toutefois préférable d’opter, pour les déplacements de ‘Hol Hamo’èd, pour un chauffeur non juif (12).

Après avoir découvert ces différents aspects des problèmes liés aux travaux effectués pendant ‘Hol Hamo’èd, penchons-nous sur la question de l’interdit de « Ne pas placer d’embûches face à un aveugle ».

L’une des conditions sine qua non à cet interdit est la notion dite des « deux rives du fleuve » (13).
En d’autres termes, cet interdit ne s’applique que dans le cas où c’est uniquement par le biais de l’un que l’opportunité de réaliser cette transgression s’est présentée au second.
C’est le cas cité par la Guémara : un « Nazir » (qui a l’interdiction de consommer tout produit de la vigne) se trouve de l’autre côté d’un fleuve, et ne peut accéder à la coupe de vin que par l’intermédiaire de celui qui la lui tend. Celui qui transmet le verre de vin aura alors transgressé l’interdit de « Lifné ‘Ivèr Lo Titèn Mikhchol ».
Si en revanche, le Nazir peut avoir accès à du vin sans l’aide d’un tiers, on ne considèrera pas cela comme « une embûche devant un aveugle », même si ce dernier l’aura concrètement aidé à fauter (14).

Pour revenir à notre question, dans le cas d’un commerçant qui est autorisé à ouvrir son magasin conformément aux conditions énoncées plus haut, mais qui craindrait tout de même d’en venir ainsi à inciter d’autres Juifs à acheter chez lui de manière illicite, cet aspect de l’interdit de « ne pas placer d’embûche » peut être à son avantage.
En effet, dans la mesure où il y aurait d’autres magasins identiques au sien dans les alentours, lesquels vendraient leurs marchandises sous les mêmes conditions, notre commerçant ne serait plus le seul moyen pour ces Juifs de transgresser un interdit, puisqu’ils ont la possibilité de le faire un petit peu plus loin, dans le magasin du voisin non juif.

Toutefois, en dehors de ces considérations, subsiste le problème de « Méssayéa’ Lidé ‘Ovré ‘Avéra » (apporter son aide à une personne qui transgresse une interdiction).
Cette interdiction reste valable dans tous ces cas de figure.
Ainsi, le Ktav Sofèr (15) et le Choèl Ouméchiv (16) rapportent tous deux que même dans le cas où la possibilité d’enfreindre un interdit serait donnée au prochain sans avoir nécessairement besoin de l’aide du premier (c’est à dire que l’interdiction de « Lifné ‘Ivèr » n’existe pas), ce problème persiste.
Il faut toutefois que l’aide apportée soit effectuée de manière directe, sur l’objet même de la transgression.
C’est ce qui se produit dans notre cas, car c’est par la vente proprement dite que la transgression est réalisée.


Il convient tout d’abord de rappeler l’importance de l’interdiction de commercer pendant le ‘Hol Hamo’èd.
Nombreux sont ceux qui, parmi les derniers décisionnaires, ont mis en garde contre la tendance laxiste de commercer pendant ‘Hol Hamo’èd (voir Biour Halakha chap. 539 début de citation « Éno »).

L’interdiction de placer une embûche devant son prochain pour l’inciter à enfreindre un interdit s’applique selon la majorité des décisionnaires même dans le commerce pratiqué à ‘Hol Hamo’èd, bien qu’il ne soit que d’ordre rabbinique. Ce problème concerne tout autant le vendeur que l’acheteur, chacun d’entre eux pouvant induire la transgression du second, à condition de savoir que l’autre réalise un acte commerciale non autorisé pendant le ‘Hol Hamo’èd.

Cette attitude est toutefois permise lorsque la somme versée peut être englobée dans les frais directement liés à l’achat en question (Havla’a, comme dans le cas du chauffeur de taxi).

En outre, même dans le cas où d’autres magasins proposeraient le même produit sous des conditions identiques, auquel cas on ne considère plus l’ouverture du magasin comme une embûche placée sous les pas de l’acheteur (qui achète de façon illicite), le vendeur enfreint toutefois une autre interdiction ; celle « d’apporter son aide à la transgression de son prochain ».

Kol Touv


1) Ora’h ‘Haïm chap. 530 par.
2) Bèt Yossèf 530 et tel semble être également l’avis du Rama sur place, cf. Béèr Hagola
3) ‘Haguiga page 18a
4) Sur place, début de citation « ‘Holo »
5) Cf. Biour Halakha 530 début de citation « Oumoutar »
6) Roch Mo’èd Katane chap. 1 par. 23 ainsi que Bèt Yossèf 539 début de citation « Kol »
7) Maguid Michné lois sur Yom Tov, chap. 7, loi 22
8) Précisons toutefois qu’il existe une divergence d’avis entre les décisionnaires, sur la question de savoir si l’interdit de faire trébucher un Juif dans une interdiction, que nous allons découvrir par la suite, s’applique également aux interdits d’ordre rabbinique ; le Min’hate ‘Hinoukh Mitsva 232, alinéa 4 rapporte au nom des Tossefote qu’il n’y a pas d’infraction de « mettre une embûche devant un aveugle » lorsqu’il est question d’un interdit émis par les Sages. Telle est également la position du Maharil Diskine, dans son « dernier opuscule », chap. 145, qui considère également qu’il n’y a pas d’interdit à ce niveau, et par conséquent, il ne s’appliquerait pas non plus au commerce pratiqué pendant ‘Hol Hamo’èd. Le Min’hate ‘Hinoukh rapporte en revanche un autre Tossefote qui semble s’opposer à cet avis, et estime que l’interdiction de placer une embûche s’applique à tous les cas. Il invoque pour cela une preuve des paroles du Rama, dans Yoré Dé’a chap. 160, 1, concernant l’interdiction de prêter avec intérêt (Ribite). Le Rama stipule dans cette loi que lorsque l’intérêt perçu n’est que d’ordre rabbinique (Avak Ribite), l’emprunteur transgresse tout de même une interdiction, celle de semer une embûche sous les pieds de son créancier. Il apparaît donc que même pour un interdit émis uniquement par les Sages, le problème de mettre une embûche persiste. Tel semble également être l’avis de Rav Chélomo Zalmane Auerbach et du Chémirate Chabbate Kéhilkhéta rapporté plus bas
9) Chémirate Chabbate Kéhilkhéta chap. 67, par. 27. Dans le cadre de cette réponse, nous présentons les principes généraux, tels qu’ils apparaissent dans la Halakha. Chaque cas devra néanmoins être soumis séparément à une autorité rabbinique compétente
10) Ora’h ‘Haïm chap.542, par.1
11) Choul’hane Chélomo 542, 2
12) Un point important est à noter ici : dans la mesure où le propriétaire d’un magasin est tenu par des charges, des frais de location et d’impôts fonciers, il y aurait lieu de s’interroger à savoir si l’on ne peut considérer tout achat qui y serait réalisé comme englobant en partie les frais impliqué par l’entretien du magasin. De même, il y aurait lieu d’envisager, à l’égard de ces considérations, qu’il soit permis à tout commerçant d’ouvrir son magasin pendant ‘Hol Hamo’èd, étant donné que les dépenses et les frais que tout magasin implique ne sont que pure perte lorsque le magasin reste fermé.
Cette occurrence pourrait donc entrer dans le cadre de la première condition mentionnée en début de réponse. Et de fait, le Lé’hèm Hapanim autorise, pour cette même raison, l’ouverture des magasins pendant ‘Hol Hamo’èd.
Cet argument n’est cependant pas du tout évident : en effet, au même titre qu’un commerçant est parfaitement conscient, lorsqu’il paie ses charges, que son magasin devra être fermé pendant les nuits, les Chabbatote ou les jours de fête, il peut également prendre en considération le fait qu’il lui faudra rester fermé pendant ‘Hol Hamo’èd, et inclure ces manques à gagner dans son budget. Dans ce cas, on ne peut plus parler de la notion de « perte ».
Enfin, il y aurait également lieu d’interdire du fait qu’une telle permission pourrait en venir à susciter un manque total d’égard envers la fête, en déployant une situation de totale ouverture sans borne – Chémirate Chabbate Kéhilkhéta chap. 67 note 121
13) ‘Avoda Zara page 6b
14) Rama dans Yoré Dé’a chap. 151, 1 et cf. Chakh alinéa 6 et Dagoul Mérvava ibid.
15) Responsa Yoré Dé’a 83
16) Tome IV chap. 32
 
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