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819. Quand le dentiste d’une femme est un homme
Posté par le 02/11/2008 à 15:32:27
Bonjour,
Etant étudiant en chirurgie dentaire, je voudrais savoir s'il y avait un problème à effectuer des actes sur une femme (je suis un garçon), dans les cas où celle-ci n'est pas malade.

Ma question ne porte pas sur le I'houd (les lois sur l’isolement) mais que sur les contacts physiques :
a) Si elle a une simple douleur ou un simple désagrément
b) Pour lui fixer une prothèse, ce qui est purement esthétique
c) Pour une consultation simple
d) Dans le cas où cela serait interdit, faudrait-il dire à la patiente que je ne peux pas la prendre en charge, où bien y a-t-il une autre solution ?

Merci Chavoua' Tov

Réponse donnée par Rav le 25/12/2008 à 20:59:41
Le sujet des « contacts » prohibés entre un homme et une femme a été longuement développé par le Rav Cahn dans la question 420 « L’interdit de toucher une femme (ou un homme) » . Il est nécessaire de la consulter en premier lieu.

Il apparaît que selon le Choul’hane ‘Aroukh (1) enlacer ou embrasser une des ‘Arayote (femmes interdites à un homme), ou bien la toucher avec du plaisir, est un interdit Déoraïta (d’ordre Toranique). Tel est également l’avis du Rama (2) et telle est d’ailleurs la conclusion tirée par les A’haronim (Décisionnaires postérieurs au Choul’hane ‘Aroukh).

Il faut toutefois préciser que cela ne concerne que les rapprochements qui seraient accompagnés de sentiments d’amour ou d’affection (Dérèkh ‘Hiba).

Il n’en reste pas moins, qu’un contact physique entre un homme et une femme (non mariés), bien que non motivé par un sentiment affectueux (‘Hiba) reste une interdiction des Rabbanim.

Nos Sages ont interdit ces contacts, bien que non affectifs pour deux raisons :
- afin que ces contacts n’engendrent pas des pensées affectives (Hirourim) qui entraîneraient des contacts, qui eux seraient empreints d’affection (Atou Dérèkh ‘Hiba), donc interdits par la Tora.
- Pour qu’un éventuel témoin de la scène n’en vienne pas à penser qu’il s’agit de contacts mêlés de désir ou d’affection (Michoum Mar-ite ‘Aïne).

Néanmoins, en cas de maladie, les Rabbanim n’ont pas décrété d’interdiction.
En effet, dans ce cas on n’a pas la crainte que le médecin en arrive à des sentiments affectueux, du fait qu’il est concentré sur son travail. Cela est donc permis, car en tout état de cause son esprit est occupé à sa tâche et par conséquent détaché du reste.

D’autre part, on ne craint pas non plus que son attitude soit mal interprétée et considérée comme affectueuse, puisque tout le monde sait qu’elle est motivée par les exigences du traitement (3).

Par conséquent il est permis, d’après le sens strict de la loi, à un médecin ou un dentiste, d’examiner et de traiter une femme, même mariée (4).

Il est évident que cette dérogation pour un médecin ou un dentiste, est motivée par la nécessité de soigner un patient. Il semble aussi évident qu’une consultation, une simple douleur ou un simple désagrément fassent partie des soins à porter à un malade (dans la phase préventive ou curative).

Voir toutefois à ce sujet la question 303 « Une femme peut-elle consulter un médecin homme ?» Il y est mentionné qu'une femme juive, soucieuse de respecter les règles de la pudeur ne se rendra chez un médecin homme que lorsqu’il y a nécessité sérieuse (dans le cas évidement, où il est possible de consulter un médecin femme) (5).

La partie purement esthétique (fixer une prothèse ou blanchir les dents) que vous soulevez, est certainement la plus problématique. Étant donné qu’il n’y pas ici de but thérapeutique (encore qu’on pourrait objecter que l’esthétique, pour une femme, peut être source de traumatisme et entre donc dans le cadre d’un traitement curatif), on peut s’interroger si la permission donnée aux médecins de traiter une femme, s’applique dans ce cas aussi.

En effet, les conditions pour permettre, semblent être réunies (à savoir, le fait d’être concentré sur son travail d’une part, et l’absence de crainte que son attitude soit mal interprétée d’autre part). On pourrait penser que puisque le dentiste exécute le travail dans un but bien déterminé, et que c’est motivé par le besoin de gagner sa vie, nos Sages ont aussi permis dans un tel cas.

En fait la comparaison n’est pas évidente, car dans notre cas il n’est question d’améliorer que l’apparence, ce qui pourrait ne pas être considéré comme un besoin absolu pour lequel les ‘Hakhamim auraient permis ce type de contact.
Il semble plutôt que nos Sages n’aient permis de tels contacts qu’en cas d’obligation de prodiguer des soins à un malade, ce qui s’avère être un besoin sérieux et incontournable (6).

A cela on pourrait ajouter que puisque cette opération est effectuée dans un but esthétique (donc embellir la femme), on pourrait effectivement craindre que cela ne suscite chez le médecin traitant des pensées de désirs (Hirhourim) vis-à-vis de sa patiente.

Il faut toutefois nuancer cette affirmation, comme il apparaît dans la Guémara (7) à propos d’un blanchisseur auquel il est permis d’examiner des vêtements de femme pour contrôler leur parfait nettoyage car il est concentré sur son travail, alors qu’en règle générale c’est interdit du fait que cela suscite des pensées déplacées. Chez un professionnel dont c’est le métier, on ne craint cette éventualité car il absorbé par son ouvrage et n’en viendra pas à avoir ce type de pensée bien que son but soit d’embellir le vêtement d’une femme.

Le cas du dentiste, dont le traitement est à but exclusivement esthétique, pourrait aussi être comparé, dans une certaine mesure, à celui d’une femme qui se rendrait chez un coiffeur homme. Situation à priori interdite, qui n’est permise qu’exceptionnellement, s’il n’existe pas d’autres alternatives (8).

Par ailleurs, dans un cas général, la question se pose de savoir si un médecin est autorisé à soigner une femme quand il a la possibilité de la diriger vers un autre médecin femme. Le Tsits Éli’ézèr (9) affirme qu’il a la possibilité et aussi le devoir de prendre en charge cette femme, même s’il peut la rediriger vers une collègue. Il se base sur le Choul’hane ‘Aroukh (10) où il est clairement stipulé qu’un médecin a l’obligation de traiter un malade même si quelqu’un d’autre peut s’en occuper, car peut être, seul lui-même saura soigner le patient comme il convient.

On peut donc déduire de cela, qu’en dehors d’un cas de traitement pour maladie, on devra bien diriger la patiente vers un (ou une) autre médecin.

Il en ressort, qu’à priori, et compte tenu de tout ce qui précède, lorsque le traitement est uniquement et exclusivement à but esthétique, on évitera dans la mesure du possible, de prendre en charge la patiente.

Toutefois, il convient de prendre en considération le fait que même un acte dont le but est l’amélioration de l’apparence, peut entrer dans le cadre d’un acte médical car il contribue au bien être psychologique de la personne, voire à son équilibre mental, surtout à notre époque où le paraître revêt une telle importance.

C’est pourquoi, s’il n’y a pas d’autre alternative, on pourrait éventuellement s’appuyer sur les éléments permissifs suivants :
- Le praticien est concentré sur son travail donc n’est pas enclin à avoir d’autres pensées.
- Du fait que son activité est professionnelle, il ne donne pas à penser qu’il s’agit de contacts mêlés de désir (11).
- Prendre en considération que certains n’interdisent pas systématiquement des contacts totalement dépourvus de sentiments affectifs dans des circonstances tout à fait particulières (12).
- un dentiste travaille généralement à l’aide d’instruments, ce qui évite le contact direct avec la patiente comme ce serait le cas pour des palpations ou des massages.

Précisons que dans cette dernière éventualité, on devra travailler avec des gants afin d’éviter dans toute occasion un contact direct (13).

Il faudra de toute manière, éviter toute discussion superflue qui ne serait pas en rapport avec le diagnostic ou le traitement.

Kol Touv


1) Évèn Ha’ézèr chap. 20 par. 1
2) Voir le Chakh, Yoré Dé’a chap. 157 alinéa 10 ainsi que chap. 195 alinéa 20
3) Choute Igrote Moché, Yoré Dé’a tome 3 chap. 54 début de section « Hiné Pachoute ». Voir le Chakh chap. 195 alinéa 20 ; le Créti Oupléti chap. 195 alinéa 7 ainsi que le Choute Haradbaz tome 1 sur le Rambam, qui explique ainsi l’apparente contradiction dans le Choul’hane ‘Aroukh entre le chapitre 75 paragraphe 4 (Ora’h ‘Haïm), où il interdit de faire une bénédiction devant la nudité d’un enfant, même en très bas âge, alors qu’il le permet au Mohèl devant le bébé dénudé au moment de faire la circoncision (chap. 165 par. 8 de la partie Yoré Dé’a dans Hilkhote Mila). ‘Oz Véhadar Lévoucha à propos d’un maître nageur homme dans une piscine réservée aux femmes, page 502 par. 2.
4) Chakh, Yoré Dé’a chap. 157 alinéa 10 ainsi que chap. 195 alinéa 20 ; Bèt Chémouèl, Évèn Ha’ézèr chap. 20, alinéa 1 d’après le Radvaz ; Mé’il Tsédaka, chap. 19, Biour Hagra, ad. loc. alinéa 21 ; Choute Noda’ Bihouda Tiniana, Yoré Dé’a chap. 122. Choute Péné Yéhochou’a, tome 2 chap. 44.
5) Taharate Habaïte tome 2 page 222 ; Choute Min’hate Its’hak tome 7 chap. 72 ; Chi’ouré Chévèt Halévi fin du chap. 195 ; Choute Béèr Moché tome 3 chap. 152 alinéa 15
6) Voir le Séfèr ‘Ezèr Mikodèch sur Evèn Ha’ézèr chap. 20
7) Ainsi qu’il est rapporté dans la Guémara ‘Avoda Zara 20b
8) Séfèr Lévoucha Chèl Tora tome 2 chap. 75 par. 5
9) Tome 19 chap. 32 début de paragraphe « Chéélaténou ».
10) Yoré Dé’a chap. 336 par. 1
11) Voir aussi Choute Igrote Moché, Yoré Dé’a tome 2 chap. 137 début de paragraphe « Véhiné ».
12) Comme serrer une main déjà tendue par une femme par exemple. Le Igrote Moché tente de trouver des justifications à des Yir-é Hachèm (craignant D-ieu) qui se permettent de serrer une main préalablement tendue, n’accordant à cet acte rien de plus qu’une manifestation de civilité. Voir aussi le Choute Milé Déavote, Évèn Ha’ézèr tome 1 chap. 1, qui écrit qu’il ne faudra pas remettre en cause le comportement de Talmidé ‘Hakhamim qui, de manière occasionnelle et lorsque c’est inévitable, se sentent contraints de se plier à ces normes. Mais quoi qu’il en soit, il faudra absolument l’éviter. Notons toutefois que nombreux sont les décisionnaires qui interdisent absolument dans tous les cas.
13) Voir le Lèv Saméa’h Mitsva 353 que dans le cas de l’interposition d’un vêtement, le contact est un interdit d’ordre Rabbinique et non pas Toranique, ainsi qu’il apparaît dans le Rambam Hilkhote Issouré Bia chap. 21 Halakha 1 et 2.