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791. Hommes et femmes : pas au même niveau ?
Posté par le 20/09/2008 à 23:04:02
Bonjour Rav,

Je voudrai savoir pourquoi est ce que les femmes disent dans les Bérakhote du matin Ché'assani Kirtsono (qui m'a faite selon sa volonté) et les hommes Chélo 'Assani Icha (qui ne m'a pas fait femme) ?
En quoi être un homme est mieux que d'être femme ?
Et si vraiment c'est mieux, pourquoi les femmes sont elles plus comme la volonté de D. ?

Réponse donnée par Rav le 19/10/2008 à 01:14:52
Il se trouve trois bénédictions, dans le rituel que tout juif doit réciter le matin à son lever, qui pourraient apparaître surprenantes ou pour le moins demander explication.

Sois béni, ô Éternel, notre Dieu, roi du monde, qui ne m'a pas fait non-juif.
Sois béni, ô Éternel, notre Dieu, roi du monde, qui ne m'a pas fait esclave.
Sois béni, ô Éternel, notre Dieu, roi du monde, qui ne m'a pas fait femme. (La femme quant à elle, dit : qui m'a faite selon sa volonté).

Ces trois bénédictions font référence à trois groupes humains par rapport à leur assujettissement aux Mitsvote :
Le non juif ne doit respecter que sept commandements (Les sept lois Noa'hides : ne pas tuer, ne pas voler, ne pas adorer d'idole, ne pas commettre d'adultère, ne pas blasphémer ni maudire D-ieu, instituer la justice, ne pas consommer un membre d'un animal vivant).
La femme n'est soumise qu'aux obligations d'ordre négatif et aux préceptes positifs non liés au temps. Elle est ainsi dispensée de mettre les Téfiline, d'écouter le Chofar, d'aller dans la Soukka, d'agiter le Loulav, etc.
L'esclave lui, est dispensé, en raison de son état de soumission, d'un nombre important de lois.

L'homme est assujetti à l'ensemble des Mitsvote positives et négatives.
C'est pourquoi l'homme exprime sa reconnaissance à son Créateur de lui avoir donné plus de Mitsvote, donc plus de possibilités de le servir. Il prend donc conscience du mérite particulier dont il jouit et exprime la joie que cela génère en lui à l'instar de Moché Rabbénou dont il est dit : "Moché s'est réjouit de la part qu'il a reçu, car Tu l'as appelé serviteur fidèle" (1).

Ce sujet a été développé par le Rav Elie Munk dans son excellent livre "le monde des prières". Nous vous en rapportons ici quelques extraits particulièrement intéressants :

"Le sentiment de gratitude qui pousse les êtres libres et plus particulièrement l'homme en tant que créature mâle à bénir Dieu, ne s'inspire pas des privilèges ou de la liberté dont ils jouissent, mais bien plutôt de la satisfaction morale que leur donnent les obligations qui sont les leurs. La diversité des devoirs est une des bases du judaïsme : le même droit pour tous, des obligations différentes pour chacun selon sa catégorie ; c'est sur cette doctrine que le judaïsme entend fonder le salut de la société.

De même que le droit à la royauté messianique fut attribué à la seule maison de David, le sacerdoce uniquement aux fils d'Aharon et une position privilégiée à la tribu de Lévi, de même la totalité des Mitsvote a été imposée à l'être mâle, et à l'homme libre uniquement. Mais de même que la nature a conféré à la femme une constitution corporelle et psychique différente de celle de l'homme, la religion juive entend fonder un ordre social se proposant d'assurer à l'homme comme à la femme le plein épanouissement de leur vocation naturelle.

Il serait aussi insensé d'imputer à la religion un régime d'inégalité, qu'à la nature elle-même. Dans cette même perspective, l'institution de l'esclavage, sanctionnée en tant que telle, et dotée d'un statut empreint de justice, était adaptée à la constitution hiérarchique de la société humaine, qui est à l'image de la structure hiérarchique inhérente à la création elle même. Cet état de la société n'a pas été dépassé à ce jour, malgré toutes les révolutions, encore que les subordonnés soient loin de bénéficier du même statut que celui octroyé par l'antique Etat juif, en vertu de ses principes inspirés d'une authentique justice sociale. (2).

Toutefois, la valeur de la personnalité ne dépend jamais du nombre des obligations et de l'importance des devoirs, mais de la conscience avec laquelle sont accomplies ces obligations et du dévouement dans la réalisation de la tâche.

Le Kohèn a le droit de bénir la communauté, le Gaone de Vilna ne le peut et il n'est pas diminué pour autant. Nul texte de l'Ecriture ne limite la promesse des récompenses ou l'accomplissement de la justice à une catégorie particulière de l'humanité.

Au contraire, le texte sacré choisit toujours soigneusement l'expression susceptible d'inclure tous les degrés de l'ordre social depuis le grand-prêtre en Israël jusqu'au non-juif (3). Et c'est précisément le même Rabbi Meïr qui souligne avec insistance ce fait (4), et qui demande par ailleurs l'introduction des trois bénédictions ci-dessus (5).

N'est-ce pas un de nos sages du Talmud qui a déclaré, d'une manière particulièrement solennelle, que les trois groupes mentionnés ici, à savoir les non juifs, les femmes et les esclaves, peuvent, dans la même mesure que les juifs, les hommes et les êtres libres, acquérir la plus haute dignité dans la perfection morale : "J'en prends à témoin le ciel et la terre, que ce soit le non-juif ou le juif, l'homme ou la femme, l'esclave ou la servante, sur chacun, selon ses œuvres, repose l'esprit saint " (6).

La conception que le judaïsme se fait de la valeur de la personnalité humaine permet à chaque être de se sentir satisfait de sa part et rempli de gratitude pour la mesure qui lui a été attribuée.

Tel est, en particulier, le cas de la femme libérée par la loi divine d'une partie importante des obligations religieuses, elle peut, à bon droit, considérer cette exemption comme une marque de confiance en sa valeur morale. La loi divine, en effet, prête à la femme un attachement plus profond et un enthousiasme plus fervent à l'égard de sa vocation juive et éprouve pour elle moins d'appréhension devant les risques de défection résultant du milieu ambiant que pour l'homme. C'est pourquoi la loi n'a pas jugé nécessaire d'imposer à la femme l'observance de certaines prescriptions instituées pour préserver l'homme du péché.

C'est ainsi également qu'au moment de la Révélation, l'Eternel a fondé son Alliance en premier lieu sur la fidélité et sur le dévouement des femmes (7). C'est ainsi, enfin, que les annales du judaïsme ont retenu le fait, pour toutes les générations, que des femmes animées du feu sacré de la foi, ont été, à travers les épreuves et les aberrations de notre peuple, les artisans les plus courageux de sa renaissance. En Israël, la femme est considérée comme le génie du divin, de la pureté et de la moralité.

C'est dans cet esprit que la femme juive récite, chaque matin, la bénédiction : " Il m'a fait selon sa volonté ", non pas dans un sentiment de résignation devant l'inéluctable volonté divine, mais dans un élan de gratitude et de joie pour la bienveillance (car Kirtsono que l'on traduit habituellement par Sa volonté, signifie aussi bienveillance) que le Créateur lui a ainsi témoignée.

Kol Touv


1) Prière du matin de Chabbate
2) Proverbes XVII, 2. Un esclave intelligent prime un fils de famille incapable et reçoit une part d'héritage parmi les frères. Voir aussi Guémara Yoma 87a et Rambam, Hilkhote, 'Avadim
3) Sifra sur Levitique XVIII, 5
4) Sanhédrine 59 a
5) Bérakhote 43 b
6) Yalkoute sur juges IV, 4
7) Exode XIX, 3