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973. Quel temps attendre entre la viande et le lait ?
Posté par SuperDanou le 27/04/2011 à 15:12:22
Kvod Harabanim,

Ma question porte sur le temps qu'il faut attendre entre la consommation de viande et de lait.

La décision la plus répandue parmi les décisionnaires est d'attendre 6 heures. Néanmoins, il semble que certains se contentent d'1 heure, même si cet usage est peu recommandé (c'est du moins ce que j'ai compris lorsque j'ai lu le Yalkoute Yossef).

Il existe pourtant un usage différent extrêmement répandu parmi les juifs originaires d'Algérie, mais aussi chez quelques Marocains et Tunisiens (extrêmement minoritaires) qui est d'attendre 3 heures.

Un rabbin originaire de Constantine m'a un jour expliqué que cette pratique avait pour origine la désertion des Rabbanims Algériens, à la suite de la vague d'assimilation qui a suivi la nationalisation des Juifs d'Algérie. Il aurait donc fallu faire appel à des Rabbanims Ashkénazes, qui auraient importés leurs pratiques, et en particulier le temps d'attente de 3 heures à la place des 6 heures communément admises par les sépharades.

Mes questions sont les suivantes:
• Existe-t-il effectivement selon certains décisionnaires, même minoritaires, une opinion qui préconise 3 heures d'attente?
• Les juifs qui continuent cet usage sont-ils en faute? Avons nous le devoir de faire changer cette pratique à nos proches?
• Question subsidiaires (car non halakhique) : est-il vrai que les Rabbanims sépharades ont complètement désertés le territoire Algérien à une époque et qu'ils ont été "remplacés" par des Rabbanims Ashkénazes?

Merci beaucoup

Réponse donnée par Rav Aharon Bieler le 15/06/2011 à 18:56:58
Il est exact que certaines communautés dans le monde ont pris, et parfois gardé, l'habitude de n'attendre que trois heures entre la consommation de viande et de lait.

Il en est ainsi d'une partie des communautés originaires d'Allemagne et de Hollande ainsi que certaines communauté d'Afrique du Nord comme vous le rapportez. Certaines même comme au pays bas attendent seulement une heure.

Pourtant, le Choul'hane 'Aroukh (1), s'appuyant sur de nombreux décisionnaires médiévaux (2), stipule clairement que l'on a l'obligation d'attendre 6 heures avant de consommer du lait après la viande.

Ces décisionnaires se basent sur un fait relaté dans la Guémara (3) selon lequel on a l'obligation d'attendre, entre la viande et le lait, le temps qui sépare les deux repas principaux quotidiens, soit 6 heures en règle générale.

Notons toutefois, que certains (4) voudraient faire dépendre cet intervalle des saisons. En effet, si les 6 heures définissent bien l'intervalle qui sépare les deux repas en été, ce n'est le cas en hiver où les journées sont beaucoup plus courtes et donc les repas plus rapprochés. D'après cet avis le temps d'attente pourra donc être réduit à 4 heures (voire 3 heures).

Le Rama (5), décisionnaire généralement suivi par les Achkénazim, rapporte de son côté un avis différent selon lequel il suffirait de débarrasser la table et de faire le Birkate Hamazone (ou éventuellement, si l'on a pas mangé de pain, la bénédiction finale qu'il convient) pour pouvoir consommer un plat lacté sans aucun délai (6).

Tous ces Décisionnaires considèrent en effet que le fait rapporté par la Guémara d'attendre 6 heures, n'est pas une obligation d'après le sens strict de la loi mais simplement le résultat d'un comportement individuel plus rigoureux, mais non obligatoire ('Houmra).

Il faudra néanmoins, dans ce cas, impérativement se rincer la bouche et manger un aliment neutre tel que du pain avant d'entamer un repas lacté (7). Il faudra également se laver les mains (8).
Le Rama témoigne par ailleurs que l'on avait l'habitude de n'attendre qu'une heure dans les pays d'Europe centrale.

Ce Minhag (d’attendre une heure) qui n'a en fait pas de source claire dans la Guémara, n'est qu'une application plus sévère de l'avis qui permet de consommer du lait immédiatement après la viande sous certaines conditions.
Il peut être considéré comme une barrière qui fait office d'autoprotection par rapport à l'avis plus tolérant cité précédemment (9).
Ce Minhag semble être conforté par le Zohar (10).

Toutefois, le Rama lui même s'empresse de préciser que les personnes pointilleuses attendent 6 heures après la viande et que c'est ainsi qu'il convient de faire.

Il est suivi dans cette voie par les derniers Décisionnaires tel que le Taz, qui pensent que les "gens de biens" auront à cœur d'attendre 6 heures.
De même le Maharchal dans son ouvrage Cha'aré Doura sur la Guémara (11) indique qu'il convient de rappeler à l'ordre "ceux qui attachent de l'importance à la réalisation parfaite des Mitsvote" (Bné Torah dans le texte) afin qu'ils abandonnent leur Minhag pour revenir à la prescription de 6 heures imposée par le Choul'hane 'Aroukh.

Par ailleurs, la coutume de n'attendre que 3 heures est rapportée par de nombreux ouvrages sans qu'il soit possible toutefois de trouver une source claire à ce Minhag (12).

Malgré tout, certains (13) ont voulu justifier ce Minhag du fait que, d'après l'avis du Péri 'Hadach cité plus haut, en hiver on peut se contenter d'un intervalle plus cours avant de consommer un plat lacté (Ce qui voudrait dire que la digestion est terminée au bout de 3 heures et qu’il n’y a plus de remontées gastriques).

Il n'en reste pas moins que de nos jours chacun a l'obligation d'attendre 6 heures après la viande pour pouvoir consommé un plat lacté car ainsi a tranché le Choul'hane 'Aroukh et telle est la voie suivie et acceptée par la quasi totalité du peuple d'Israël aujourd'hui.

C'est pourquoi il convient d'inciter (avec tact et diplomatie) tout ceux qui ont l'habitude d'attendre un intervalle de temps plus court à se conformer au Choul'hane 'Aroukh qui impose 6 heures (14).

Toutefois, certains (Au nom du Rav Zalman Auerbach) mettent en garde en particuliers le femmes qui depuis leur plus jeune âge ont le Minhag de n’attendre qu'une ou trois heures.

En effet, celles-ci ont l'habitude de travailler à la cuisine et de nourrir les enfants et pourront facilement arriver par inadvertance à consommer un produit lacté avant les 6 heures imposées. Elles devront donc être particulièrement prudentes si elles abandonnent leur Minhag pour suivre les prescriptions du Choul'hane 'Aroukh (15).

Quant à savoir si les Rabbanims Séfarad ont désertés le territoire Algérien à une époque et qu'ils ont été "remplacés" par des Rabbanims Achkénaz, je l’ignore.

Kol Touv


1) Ora'h 'Haïm chap. 89 par. 1
2) Rif, le Rambam, Rachi, le Rachba, le Ritba et le Rane
3) 'Houline 105a
4) Péri 'Hadach chap. 89 alinéa 6
5) Ora'h 'Haïm chap. 89 par. 1
6) Au nom de Tossefote, du Mordékhi, Hagahote Achri, Hagahote Maïmoniote chap. 9 Hilkhote Maakhalote Haassourote
7) Rama Idem
8) Ainsi qu'il apparait dans Ora'h 'Haïm chap. 89 par. 2
9) Voir Badé Hachoul'hane Hilkhote Bassar Vé'halav chap. 89 note 25 au nom du Taz
10) Parachate Michpatim
11) 'Houline Pérèk Kol Habassar au chap. 9
12) Séfèr Badé Hachoul'hane Hilkhote Bassar Vé'halav chap. 89 note 35; Kitsour Choul'hane 'Aroukh du Rav Aharon Pfeifer sur Bassar Vé'halav chap. 9 alinéa 16; Yalkoute Yossèf Issour Véétèr tome 3 chap. 89 note 17
13) Darké Téchouva Yoré Dé'a chap. 89 alinéa 6 au nom du Mizmor Lédavid Pardo
14) Yalkoute Yossèf Issour Véétèr tome 3 chap. 89 note 17; Kitsour Choul'hane 'Aroukh du Rav Aharon Pfeifer sur Bassar Vé'halav chap. 9 alinéa 16 qui rapporte le Chakh alinéa 8 au nom du Maharchal
15) Yalkoute Yossèf idem; Rav Aharon Pfeifer idem
 
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