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    Mardi 19 Mars 2024, Yom Chelichi

365. Jouer au casino, est-ce réellement interdit ?
Posté par nico le 17/02/2007 à 20:22:45
Kvod harav,
Merci pour votre réponse concernant le fait de travailler dans le service juridique d'un casino(Question 310).
Ma question concerne plus généralement l'interdit de jouer au casino
Il semblerait selon votre réponse qu'il soit purement interdit de jouer dans un casino.
Je conçois que cette activité ne soit pas des plus recomandables, mais ne peut-on pas permettre lorsque:

-La personne gagne sa vie d'une autre manière
-Elle joue dans un casino ou il y une majorité de non-juif
-Elle joue rarement et juste pour le plaisir (il n'y a pas vraiment de risque de dépendance)
-Elle ne vise pas à gagner de l'argent puisqu'ele sait qu'elle va perdre de toute façon la somme quelle aura fixé
-Elle joue dans des jeux n'impliquant pas une compétence spécifique (roulette, boule...), ce qui diminue le risque de Asmakhta

Beaucoup de personnes répondent à ces critères, il ne parait pas évident d'interdire surtout si on se base sur le RAma
Trés souvent, l'argent est déja sorti avant le verdict ,la personne mise une somme et elle sait après si elle a perdu ou gagné, précisons que l'argent est déposé sur la table.
Deplus il n'est pas toujours évident de faire la distinction entre la roulette (au casino) et le lotto mise à part le fait qu'il y a moins de chance de gagner.

Merci de votre précieuse aide sur ses points, de nombreuses personnes sont dans le flou sur le sujet.
Kol touv

Réponse donnée par Rav Meir Cahn le 14/05/2007 à 17:10:52
La Michna nous enseigne que les joueurs – qui misent leur argent dans des jeux de hasard – sont « Passoul La’édoute » (inaptes à témoigner) (1). La raison de ce « Psoule » (de cette inaptitude) est discutée dans la Guémara (2), et deux explications lui sont données :
a) prendre possession de l’argent gagné au jeu n’est pas licite, car le perdant n’est disposé à s’en défaire que de mauvais gré, contraint par les règles du jeu et son accord préalable à y prendre part. Mais cet accord reste douteux, il est l’équivalent d’une « Asmakhta » – un engagement non formel. Il confère ainsi à cette « transaction » le caractère d’une exaction, qui peut être assimilée à du vol (3). C’est donc la raison pour laquelle le joueur est rendu « Passoul La’édoute » (inapte à témoigner). Voici la première explication donnée par la Guémara.
b) Selon la seconde, le joueur est rendu « Passoul La’édoute » du fait qu’il n’est pas investit dans une occupation « bénéfique aux affaires de la société » (Éno ‘Ossèk Béychouvo Chel ‘Olam).

Les Commentateurs discutent le sens de cette seconde explication. Selon certains, le fait de se tenir à l’écart des affaires de la société, rend le « Méssa’hèk Békoubia » (le joueur) ignorant de ses lois ainsi que des pratiques du commerce, et il n’a pas la crainte du péché. Son témoignage ne peut donc être fiable (4). D’autres pensent que ce décalage par rapport aux affaires de la société l’empêche d’apprécier l’effort que les hommes investissent pour gagner leur argent, et ainsi il aura peu de scrupules à porter un faux témoignage, qui fera perdre l’argent de son prochain (5). Le Rambam quand à lui, écrit (6) que puisque le joueur n’est pas investit dans les affaires de la société, il est à supposer qu’il tire ses revenus du jeux, se rendant ainsi Passoul La’édoute car consommant le produit d’un « Avak Gézèl » (d’une poussière de vol). Cet « Avak Gézèl » est considéré comme du vol Midérabbanane (par ordre rabbinique) (7).

Le Méssa’hèk Békoubia (le joueur) pour qui le jeux n’est qu’un passe temps, mais qui exerce un métier par lequel il gagne sa vie, sera-t-il également Passoul La’édoute ? L’analyse de ce Psoule (de cette inaptitude) répond à cette question : si le Psoule provient du fait que cette personne n’est pas investie dans une « occupation bénéfique aux affaires de la société » (Éno ‘Ossèk Béychouvo Chèl ‘Olam), comme énoncé par la Guémara dans sa deuxième explication, la réponse à cette question sera négative. Le joueur occasionnel ne sera pas Passoul La’édoute, car, somme toute, il reste ‘Ossèk Béychouvo Chèl ‘Olam – le métier qu’il exerce (8).

Par contre, si l’inaptitude à porter témoignage provient du fait que s’approprier d’un argent gagné au jeu est assimilable à du vol, tel qu’énoncé par la Guémara dans sa première explication, exercer un métier régulier ne changera pas le statut de ce joueur. Ce Méssa’hèk Békoubia sera également Passoule La’édoute, car il pratique une activité qui le rend coupable de Gézèle Midérabbanane (de vol, par décret rabbinique) (8).

Le Rambam (9) et le Choul’hane ‘Aroukh (10) ont tranchés, que le Méssa’hèk Békoubia ne sera Passoule La’édoute que s’il n’exerce pas d’activité professionnelle (11).

Certains précisent que l’exercice d’une activité professionnelle ne sera considéré comme tel, que dans la mesure où il lui permet de subvenir à ses besoins. Sinon, le jeu le rendra inapte à porter un témoignage (12).

D’autres sont d’avis, que dans la mesure où le jeu n’est pas son gagne pain, par exemple s’il vit de rentes, ou d’un héritage, il restera apte à témoigner (13). Par contre, l’avis selon lequel le fait de ne pas pratiquer un métier rend le joueur Passoule La’édoute, car il ne sait pas apprécier l’effort que les hommes investissent pour gagner leur argent (5), ce dernier restera Passoule tant qu’il ne travaillera pas activement, même lorsque sa « Parnassa » (sa subsistance) est assurée par une rente, ou quelque autre prestation (14). Néanmoins et à l’opposé, s’il pratique une activité professionnelle, il restera "Kachèr Léha’id" (apte à témoigner), même si les entrées qu’elles lui procurent restaient insuffisantes pour subvenir à ses besoins (15).

D’autres Décisionnaires pensent, que l’exercice d’un métier n’aura pas la faculté d’épargner au joueur l’inaptitude à témoigner. A leur avis, la « Asmakhta » impliquée dans cette « transaction » et dans la transmission de l’argent gagné, entraîne la nullité de cet acte. De ce fait, s’approprier l’argent gagné est équivalent à perpétrer un vol (16). Néanmoins, ces Décisionnaires ne limitent ce Psoul La’édoute (cette inaptitude à témoigner), qu’au jeu où le partenaire est juif. Avec un partenaire non juif, les critères de Asmakhta ne sont plus les mêmes, et le consentement à prendre part au jeu est suffisant pour valider cette « transaction ». Dés lors, accepter l’argent gagné ne violera pas l’interdit de voler, et n’entraînera pas de Psoul La’édoute. Et cela, même lorsque le joueur ne pratique aucune activité professionnelle (17). Le jeu n’en sera pas plus permis. Le Rambam précise qu’il restera interdit, car le joueur s’occupe de Dévarim Bétélim (de futilités), alors qu’un homme ne devrait s’adonner, tout au long de sa vie, qu’aux Divré ‘Hokhma (choses du savoir, de la Tora) et au Ychouvo Chèl ‘Olam (aux affaires permettant de « peupler » le monde) (18).

Cependant, certains avis interdissent le jeu même en suivant ce raisonnement selon lequel le problème de cette occupation est qu’elle équivaut au vol, et même avec un partenaire non juif. La raison en est, que puisqu’il n’a pas de travail et qu’il s’adonne au jeu, il ne s’abstiendra vraisemblablement pas de jouer également avec un partenaire juif. De même, jouer avec un juif même sans miser, avec de l’argent, le rendra Psoul La’édoute, car le fait qu’il n’a pas de travail l’amènera certainement à jouer avec de l’argent (19).

Par contre, pour les Décisionnaires qui ne considèrent pas cette opération comme étant réellement comparable à un vol, mais pour lesquels l’interdit de pratiquer ces activités relève du fait que le joueur ne soit pas ‘Ossèk Béychouvo Chèl ‘Olam (qu’il n’est pas investit dans une occupation « bénéfique aux affaires de la société »), le jeu restera interdit, même avec un partenaire non juif. Ceci, tant que le joueur ne pratique pas une activité professionnelle (20).
Si toutes fois il pratique un métier, le jeu ne le rendra effectivement pas Passoul La’édoute, même lorsque son partenaire serait juif (21).


Indépendamment des avis qui, sous certaines conditions et dans certaines circonstances, estiment que le Méssa’hèk Békoubia (le joueur) n’a pas perdu sa Kachroute (sa capacité) à porter témoignage, le jeu restera interdit, comme stipule le Choul’hane ‘Aroukh en reprenant la formulation du Rambam, car « le joueur s’occupe de Dévarim Bétélim (de futilités), alors qu’un homme ne devrait s’adonner, tout au long de sa vie, qu’aux Divré ‘Hokhma (choses du savoir, de la Tora) et au Ychouvo Chèl ‘Olam (aux affaires permettant de ‘’peupler’’ le monde » (22). De même, le Choul’hane ‘Aroukh dans Ora’h ‘Haïm, interdit le jeu, sous toutes ses formes (23). De toute évidence, le Rama n’y conteste pas cette décision (24), et le Choul’hane ‘Aroukh Hagraz (25), ainsi que le Michna Béroura (26), la ratifie.

Voir aussi la question 310 « travailler dans le service juridique d’un casino » sur ce sujet Pour y accéder cliquez ici.

Kol Touv.


1) Sanhédrine 24 b.
2) Ad. loc. 25 b.
3) Rachi, ad. loc. 24 b, intitulé Haméssa’hèk Békoubia, et Lo Kania.
4) Rachi ad. loc, intitulé Chéèn.
5) Tour, ‘Hochèn Michpate chap. 34.
6)Rambam, Hilkhote ‘Edoute Pérèk 10 Halakha 4.
7) Voir le Choul’hane ‘Aroukh, ‘Hochèn Michpate chap. 370 par. 2.
8) Michna et Guémara, Sanhédrine ad. loc.
9) Rambam, idem.
10) Choul’hane ‘Aroukh, ‘Hochèn Michpate chap. 34 par.16. Voir également le Choul’hane ‘Aroukh, ad. loc. chap.370 par. 2 et 3.
11) Voir le Sma’, ad. loc. alinéa 40, ainsi que chap. 370 alinéa 3, le Ba’h et le Taz, ad. loc.
12) Sma’ et Taz, ad. loc.
13) C’est ce qu’écrit le Tour, ad. loc. selon l’avis du Rambam, voir également le Sma’ et le Taz, ad. loc.
14) Tour, ad. loc.
15) Sma’, ad. loc, commentant l’avis du Tour.
16) Tour chap. 370, selon l’avis du Rambam, Késsèf Michné, Hilkhote ‘Edoute ad. loc, et le Bèt Yossèf, selon l’avis du Rambam.
17) Voir le Tour, ad. loc. Ba’h, ‘Hochèn Michpate chap. 34 selon le Rambam. Voir également le Gra, ad. loc. chap. 203 alinéa 44.
18) Rambam, Hilkhote Guézéla véavéda, Pérèk 6 par. 11. Cet avis est mentionné par le Choul’hane ‘Aroukh, ‘Hochèn Michpate chap. 370 par. 3, qui précise néanmoins que d’autres avis (le Rif et le Roch) ont stipulé que seulement lorsqu’il n’exerce pas d’occupation professionnelle, le jeu le rendra Passoul La’édoute.
19) Késsèf Michné, ad. loc. selon le Rambam.
20) Tour, ad. loc. selon le Roch, et le Sma’, ad. loc.
21) Rama, ad. loc. Voir aussi le Chout Rav Pé’alim, tome 2 partie de Yoré Dé’a chap. 30, qui précise effectivement que le « Nahagou Léhakèle » (la coutume permet ce jeu) cité par le Rama, ne fait allusion qu’à l’absence de Psoul La’édoute. La pratique de jeu, elle, reste néanmoins interdite. Voir aussi le Chout Hamabite, tome 1 chap. 76, le Choute Rachdam, Yoré Dé’a chap. 84, et le Toumim, chap. 34 alinéa 15, qui stipulent que le jeu reste toutefois interdit, car constituant un vol par ordre rabbinique, mais que l’aptitude à rendre un témoignage ne sera compromise que dans la mesure où le joueur ne pratique pas d’activité professionnelle. Voir également le Chout Radvaz, tome 1 chap. 359 morceau intitulé Oulé’inyane Ma’assé, qui estime que la majorité des Décisionnaires sont d’avis que le jeu implique la transgression de l’interdit de voler, par ordre rabbinique, et ceci même lorsqu’il pratique un métier. Comparer, enfin, le Rama ci-dessus mentionné, avec le Rama, ad. loc. chap. 207 par. 13, qui fait mention d’avis selon lesquels sous certaines formes et dans certaines conditions, les jeux n’impliqueraient pas de problème de Asmakhta.
22) Choul’hane ‘Aroukh, ad. loc. Voir encore le Michna Béroura chap. 307 alinéa 59. Voir également le Chout Harivach, chap. 395 et 432 qui, dans la pratique, interdit les jeux même pour les avis permissifs selon lesquels il n’y a pas de problème de Asma’hta, car leur pratique est moralement intolérable.
23) Choul’hane ‘Aroukh, Ora’h ‘Haïm chap. 322 par. 6. Voir le Maguèn Avraham, ad. loc. alinéa 8, rapporté également par le Tosséfète Chabbat, ad. loc.
24) Contrairement à ce qu’il écrit dans ‘Hochèn Michpate, ci-dessus mentionné.
25) Graz, Diné Guézéla Ougnéva chap. 7 par. 31.
26) Chap. 322 alinéa 22. Il ressort apparemment de ce qu’écrit le Chakh, Yoré Dé’a chap. 228 alinéa 26, que tout Méssa’hèk Békoubia transgresse un Issour. Voir aussi le Chakh, ad. loc. alinéa 28.
 
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